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Point à date sur l’usage du Curcuma dans les compléments alimentaires dans l’Union Européenne

RNI - Curcuma Le curcuma, Curcuma domestica Val. ou Curcuma longa L., est une plante vivace appartenant à la même famille que le gingembre, les Zingiberaceae. Elle est cultivée sous les tropiques, mais l’essentiel de la production se fait en Inde et en Asie du Sud-est. 

Le rhizome de Curcuma longa est la partie la plus utilisée et de loin la plus étudiée. La couleur jaune-orangée caractéristique de la poudre est due aux curcuminoides, plus particulièrement à la curcumine qui représente le composant majoritaire et constitue son principe actif, isolée pour la première fois en 1815 par Vogel et Pelletier. 

 

  • Intérêt Scientifique 

En ce qui concerne son intérêt scientifique et médical, des monographies sur le Curcuma existent :  

  • La monographie de Health Canada (2018) également sur le rhizome de curcuma mentionne comme indication « source d’antioxydants » avec un dosage de 1200 milligrammes de curcumine par jour à ne pas dépasser et 400 milligrammes par dose unique. Elle mentionne également une aide dans le soulagement de l’inflammation des articulations avec un dosage de 1200 milligrammes de curcumine par jour à ne pas dépasser et 400 milligrammes par dose unique. (https://webprod.hc-sc.gc.ca/nhpid-bdipsn/atReq.do?atid=curcumin.curcumine&lang=eng). 

Ces dernières années, avec l’augmentation entre autres des maladies inflammatoires chroniques, des cancers, de la maladie d’Alzheimer, le monde occidental s’est intéressé de plus en plus à cette épice. Depuis ces dix dernières années, le nombre d’études sur le curcuma et surtout sur son constituant majeur, la curcumine, n’a cessé d’augmenter afin de mieux comprendre ses mécanismes d’actions.   

Des méta-analyses ont confirmé les bénéfices cliniques du curcuma pour la santé articulaire : une méta-analyse incluant 15 études randomisées contrôlées sur 1621 participants ont confirmé que le curcuma (poudre ou extrait), comparé au placebo, diminue de façon significative les scores de douleur (VAS et WOMAC), le score fonctionnel et le score de raideur articulaire du questionnaire validé WOMAC. Les doses journalières d’extrait étaient comprises entre 180 et 1500 mg par jour pendant 4 à 12 semaines dont les 2/3 entre 1000 et 1500 mg d’extrait par jour (Zeng et al., 2021). Ces résultats ont été confirmés dans d’autres méta-analyses (Dai et al., 2021 ; Chen et al., 2022). 

Des données récentes démontrent un potentiel dans les sphères cognitives (Joshi et al., 2022 ; Benameur et al., 2021), digestives (Dulbecco et al., 2013) et métaboliques (Shehzad et al., 2011). Cependant, des études randomisées contrôlées restent nécessaires pour identifier les doses minimales efficaces et la durée de supplémentation optimale dans les différentes populations ciblées.  

De nombreux compléments alimentaires contenant du curcuma ou sa substance active, la curcumine, sont disponibles sur le marché français, notamment pour leurs potentielles propriétés digestives, antioxydantes et au niveau de la santé articulaire. 

  •  Réglementation en Europe  

 L’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) recommande une dose journalière admissible (DJA) en curcumine de 3mg/kg de poids corporel soit 210mg/jour pour un individu de 70kg ou 180mg/jour pour un individu de 60kg, dans un rapport publié en 20101  

    • France 

En France, la DGAL (Direction Générale de l’Alimentation) recommande pour les compléments alimentaires (plateforme de notification TeleIcare) une dose maximale de 210 mg/j de curcuminoïdes (DJA pour un adulte de 70 kg). La DGAL recommande de suivre les recommandations publiées par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) pour les compléments alimentaires contenant du curcuma publié en 20222. 

 Selon l’avis de l’ANSES relatif à « l’évaluation des risques liés à la consommation de compléments alimentaires contenant du curcuma », l’apport journalier de curcumine dans les compléments alimentaires devrait être inférieur à 85% de la DJA, soit un apport de curcumine de 2,55 mg/kg de poids corporel/jour. Ceci signifie que la limite à ne pas dépasser correspondrait ainsi à 153 mg/jour de curcumine pour un adulte de 60 kg. Chez les enfants, cet apport devrait être inférieur à 74 % de la DJA, soit un apport de curcumine de 2,22 mg/kg de poids corporel/jour. 

Entre mai 2016 et mars 2021, plus de 1600 produits contenant du curcuma ou de la curcumine ont été déclarés à la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) sur Téléicare. Les effets indésirables rapportés étant des symptômes généraux, hépatiques et digestifs. A noter, les autorités françaises rappellent qu’il appartient aux opérateurs de prendre en compte les recommandations émises par l’ANSES en matière de formulation et d’étiquetage3  

    • Italie 

 En juillet 2022, les autorités Italiennes ont modifié4 les précautions d’emploi pour une utilisation du curcuma (Curcuma longa et le Curcuma spp) dans les compléments alimentaires.  

L’ingrédient est déconseillé en cas d’altération de la fonction hépatique, biliaire ou de calculs des voies biliaires ainsi que pendant la grossesse et l’allaitement. L’étiquetage doit également préciser de ne pas l’utiliser pendant des périodes prolongées sans consulter son médecin et de consulter un médecin en cas de prise de médicaments. De plus, les allégations de santé précédemment indiquées par les autorités ont été supprimées. Désormais, aucune revendication d’effet physiologique n’est autorisée pour le Curcuma en Italie. La mise en conformité des étiquetages des compléments alimentaires contenant du curcuma devait être effectuée avant le 31 décembre 2022. 

Fin janvier 2023, les autorités Italiennes ont lancé une consultation5 auprès des autres Etats Membres afin d’obtenir des informations sur la consommation des extraits de curcuma avant mai 1997. À la suite de cette consultation, aucune preuve de consommation significative n’ayant peu être fournie pour les extraits de curcuma de plus de 95% de curcumine, les autorités considèrent donc que ces extraits sont des novel foods non autorisées au sein de l’Union Européenne. Par conséquent, les produits qui les contiennent ne sont pas autorisés à la vente.   

      •   Risque de classification Novel Food 

Le curcuma sous sa forme classique n’est pas considéré Novel Food. En revanche, si la préparation de plante ne présente pas un historique de consommation significatif avant mai 1997 dans l’Union Européenne, ce dernier peut faire l’objet d’une classification Novel Food.  Les opérateurs agroalimentaires doivent donc détenir des données de consommation avant cette date pour justifier du statut non Novel Food de l’ingrédient. 

 La Commission Européenne a ainsi mis à jour très récemment son catalogue Novel Food concernant le statut Novel Food des curcuminoïdes/curcumines6. Il est précisé que l’extrait de curcuma issu du rhizome du Curcuma longa L. composé jusqu’à 95 % de curcuminoïdes (curcumines) est non-Novel Food uniquement dans les compléments alimentaires. Les substances curcumine puis, en moindre quantité, déméthoxycurcumine et bisdéméthoxycurcumine doivent être présentes dans les mêmes proportions que celles retrouvées naturellement dans le rhizome de curcuma. De plus, tout procédé qui améliorerait la solubilité ou la disponibilité de l’extrait peut faire entrer l’ingrédient dans le champ du règlement Novel Food (Règlement (UE) 2015/2283 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relatif aux nouveaux aliments) 

  •  Biodisponibilité :  

La diversité de dosage en actifs (curcumine), les différents types d’extraction, et la différence de biodisponibilité rend parfois difficile la comparaison entre les différentes études cliniques. La curcumine a une très faible biodisponibilité par voie orale, il existe donc différentes techniques afin d’augmenter celle-ci. L’ANSES évoque l’ajout de pipérine, l’inclusion de la curcumine dans une matrice lipophile, l’encapsulation avec des surfactants ou l’administration d’analogues structuraux.  Ces techniques sont capables d’augmenter la biodisponibilité de la curcumine de 4 à 185 fois.  

L’ANSES a également précisé dans son rapport2 que la poudre de rhizome de curcuma ainsi que les extraits de curcuma éventuellement enrichis en curcumine sont des formes classiques. En revanche, les extraits de curcuma à forte teneur en curcumine seraient considérés Novel Food, comme l’indique l’Italie dans son arrêté du 28 juillet 20224. Il en est de même pour les formes plus élaborées, augmentant la solubilité ou la biodisponibilité du curcuma, comme le confirme également les autorités allemandes dans un rapport publié en 20207 

 A noter, un Novel Food de tétrahydrocurcuminoïdes a été autorisé le 20 juillet 20228. Il s’agit d’une poudre de tétrahydrocurcuminoïdes obtenue par extraction des curcuminoïdes de curcuma (rhizomes de C.longa L.) et hydrogénation en tétrahydrocurcuminoïde. L’extrait est constitué à plus de 95% de tétrahydrocurcuminoïdes et il est autorisé dans les compléments alimentaires à une dose maximale de 140 mg/jour. Les données scientifiques propriétaires de ce dossier sont protégées jusqu’au 11 juillet 2027. 

 Une demande d’autorisation en tant que Novel Food est également en cours. Il s’agit d’un mélange de graines de Tamarindus indica et d’extraits de rhizome de Curcuma longa (NF 2019/1283). Ce mélange à 65 % de proanthocyanidines et 3 % de curcuminoïdes serait destiné à être utilisé dans les compléments alimentaires à une dose journalière de 260 mg de proanthocyanidines et 12 mg de curcuminoïdes.  

 Il est donc important de considérer les aspects suivants lors du développement de compléments alimentaires, produits de nutrition à base de curcuma : 

  • Evaluer le risque Novel Food au cas par cas de ces formulations et vérifier la différence de biodisponibilité par rapport à un extrait traditionnel 
  • Avoir suffisamment de données de sécurité sur ces formulations augmentant la biodisponibilité afin de définir une dose maximale journalière 
  • S’assurer de réunir suffisamment de données d’efficacité avec des conditions précises d’utilisations (dose minimales efficaces, durée d’utilisation en fonction de la population cible) pour justifier les allégations de santé en attente sur le curcuma  
  • Un plan de contrôle qualité adapté 
  • Des avertissements d’étiquetage si nécessaire en fonction des populations à risque 

 Si vous souhaitez un accompagnement scientifique et réglementaire pour le développement de compléments alimentaires, produits de nutrition, ou DADFMS (Denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales), vous pouvez prendre contact avec notre équipe :  

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Références :  

Zeng et al., 2021, The efficacy and safety of Curcuma longa extract and curcumin supplements on osteoarthritis: a systematic review and meta-analysis, Bioscience Reports, 41 BSR20210817, https://doi.org/10.1042/BSR20210817 

Dai et al., 2021, Effectiveness of Curcuma longa extract versus placebo for the treatment of knee osteoarthritis: A systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials, Phytother Res, 35(11):5921-5935. doi: 10.1002/ptr.7204 

Chen et al., 2022, Quality of Evidence Supporting the Role of Curcuma Longa Extract/Curcumin for the Treatment of Osteoarthritis: An Overview of Systematic Reviews, Evid Based Complement Alternat Med, 2022:6159874. doi: 10.1155/2022/6159874 

Joshi et al., 2022, Ameliorating potential of curcumin and its analogue in central nervous system disorders and related conditions: A review of molecular pathways, Phytother Res, 36(8):3143-3180. doi: 10.1002/ptr.7522 

Benameur et al., 2021, Curcumin as Prospective Anti-Aging Natural Compound: Focus on Brain. Molecules. 2021 Aug 7;26(16):4794. doi: 10.3390/molecules26164794.  

Dulbeco et al., 2013, Therapeutic potential of curcumin in digestive diseases, World J Gastroenterol, 19(48):9256-70. doi: 10.3748/wjg.v19.i48.9256 

Shehzad et al., 2011, New mechanisms and the anti-inflammatory role of curcumin in obesity and obesity-related metabolic diseases, Eur J Nutr, 50(3):151-61. doi: 10.1007/s00394-011-0188-1   

Références : 

1 EFSA,  Scientific Opinion on the re‐evaluation of curcumin (E 100) as a food additive, 2010, lien :https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.2903/j.efsa.2010.1679 

2  ANSES, Saisine n° 2019-SA-0111, 2022, lien : https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2019SA0111.pdf 

3 Assemblée nationale, Question N° 1411 « Risques liés à la présence accrue de curcumine dans les aliments », lien : https://questions.assemblee-nationale.fr/q16/16-1411QE.htm   

4 Ministerio della Salute, Arrêté du 28 juillet 2022  modifiant l’annexe 1 de l’arrêté ministériel du 10 août 2018 « Compléments alimentaires contenant des extraits et préparations de plantes Curcuma longa et spp » , lien: https://www.trovanorme.salute.gov.it/norme/renderNormsanPdf?anno=2022&codLeg=88529&parte=1%20&serie=null 

5 Ministerio della Salute, lien : https://www.trovanorme.salute.gov.it/norme/renderNormsanPdf?anno=2023&codLeg=92063&parte=1%20&serie=null 

6 Commission Européenne, Catalogue Novel Food, lien : https://webgate.ec.europa.eu/fip/novel_food_catalogue/#  

7 BVL et BfArM, Avis sur la classification des produits contenant de la curcumine avec biodisponibilité améliorée incluse (02/2020) lien : https://www.bvl.bund.de/SharedDocs/Downloads/01_Lebensmittel/expertenkommission/Stellungnahme_Curcumin.pdf?__blob=publicationFile&v=2 

8 Eurlex, règlement d’exécution (ue) 2022/961 de la commission du 20 juin 2022, lien : https://eur-lex.europa.eu/eli/reg_impl/2022/961/oj 

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